Le réseau électrique pourra-t-il absorber la transition du VT vers VE ?
Le réseau électrique français est-il en mesure d’absorber la transition électrique du parc automobile ?
Le transport routier représentant 29% des émissions de gaz à effet de serre générées chaque année en France, l’électrification du parc automobile se place aujourd’hui comme une nécessité. Le marché et les Français l’ayant compris, une tendance à l’augmentation rapide de la part des véhicules électriques et hybrides rechargeables s’observe depuis quelques années. Entre janvier 2013 et janvier 2023 par exemple, le nombre de ces véhicules vendus a été multiplié par 70.
De plus, l’interdiction de la vente de véhicules thermiques neufs en 2035 devrait encore accélérer ce phénomène de transition. Les projections d’évolution du nombre de véhicules légers électriques en France oscillent entre 6,5 millions pour le scénario le plus bas développé par le RTE (Réseau de transport d’électricité français) à près de 16 millions pour le plus haut contre 1,1 million aujourd’hui (véhicules électriques et hybrides rechargeables confondus).
Ainsi, au regard de cette tendance et des difficultés énergétiques que traverse l’Europe, une question légitime est régulièrement posée : le réseau électrique français est-il en mesure de fournir l’électricité nécessaire à ce parc automobile électrique en devenir ? Doit-on craindre des pénuries ou des hausses de prix ?
Observons déjà la part qu’occupent les véhicules électriques dans la consommation d’électricité en France et la pertinence du mix énergétique français pour comprendre comme le réseau électrique sera bel et bien capable d’absorber cette hausse.
Véhicules électriques et production d’énergie : où en est-on aujourd’hui ?
Pour répondre à cette question, il faut se pencher sur la consommation réelle d’une voiture électrique et analyser les modes de recharge.
En moyenne, on estime la consommation d’électricité pour 100 km, pour des véhicules légers électriques et hybrides rechargeables comme suit :
Pour satisfaire ces besoins de recharge plusieurs installations existent et nécessitent une puissance électrique plus ou moins importante :
Aujourd’hui, pour les 1,1 million de véhicules légers électriques et hybrides rechargeables en circulation en France, le réseau ne rencontre pas de difficultés de production. En 2023, en estimant une consommation maximale de 13 à 20 kWh par 100 km, soit en moyenne 17 kWh et en considérant qu’une voiture roule en moyenne 15 000 km par an, une voiture électrique ou hybride a besoin de 2 550 kWh par an soit 2,8 MWh pour la totalité du parc. Ainsi, les véhicules électriques et hybrides rechargeables légers en France ne représentent, en 2022 que 6 % de la consommation totale d’électricité.
Outre le fait que ces véhicules ne consomment pour l’instant que peu au regard de la consommation d’électricité annuelle en France, le mix énergétique français renforce leur impact positif sur la pollution atmosphérique. En effet, l’électricité produite en France est parmi les plus décarbonée d’Europe :
Ce mix énergétique avantageux permet de renforcer l’efficacité du véhicule électrique en termes d’émissions de gaz à effet de serre, le rendant ainsi beaucoup plus vertueux que son équivalent aux États-Unis par exemple.
Les projections pour 2035
Pour estimer l’évolution de la mobilité électrique en France à l’horizon 2035 et la production d’électricité associée, il faut prendre en compte le rapport de référence en la matière établi par le RTE et ADEME en 2019 intitulé “Enjeux du développement de l’électromobilité pour le système électrique ». Ce rapport s’appuie sur le Bilan prévisionnel du RTE duquel découle deux observations clés :
- Le système électrique français serait en mesure de produire suffisamment d'électricité pour recharger plusieurs millions de véhicules électriques, d'autant plus que la consommation énergétique liée à d'autres secteurs semble en baisse. Ainsi, la consommation annuelle d'électricité pour une flotte de 15,6 millions de véhicules électriques ne représenterait qu'environ 35 à 40 TWh, soit moins de 8% de la production totale d'électricité en France.
- Concernant les appels de puissance, un point de vigilance est identifié quant à la capacité à gérer les pics de consommation d'électricité en soirée durant l'hiver. Toutefois, la capacité d'absorption d'une flotte importante de véhicules électriques semble possible dès lors que des solutions de gestion simples (par exemple, la modulation tarifaire en fonction des heures creuses et pleines, similaire au dispositif actuellement utilisé pour l'eau chaude sanitaire) sont mises en place pour une partie des véhicules électriques.
Pour comprendre cela, nous étudions ici le scénario le plus haut de cette étude qui projette 15,6 millions de véhicules électriques et hybrides d’ici à 2035. C’est le scénario Forte qui vise à tester une configuration volontairement peu favorable pour le système électrique :
Dans ce scénario, le parc automobile électrique nécessiterait 45 TWh plus 8 TWh d’appels de puissance à la pointe hivernale en moyenne. Or, d’après les estimations pessimistes développées par le PPE (Programmation Pluriannuelle de l'Énergie), la France disposerait d'une capacité de production d'électricité décarbonée (combinant énergies renouvelables et nucléaire) d'environ 615 TWh d'ici 2035. Ainsi, même en cas de forte expansion de la mobilité électrique, la consommation électrique nationale pourrait être largement satisfaite par la capacité de production électrique du parc français.
Il est important de noter également que la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) projette une baisse de 40% de la consommation d’énergie finale de la France d’ici à 2050 par rapport à aujourd’hui. En effet, l’effet haussier de la croissance projetée de la population (estimée à 72 millions en 2050) et de l’économie (environ 1,6% de hausse du PIB par an) serait largement dépassé par l’effet baissier induit par l’efficacité énergétique (rénovation de bâtiments, consommation des appareils, efficacité des procédés industriels, rendement des moteurs électriques, évolutions comportementales).
Ainsi, le risque de pénurie d’électricité ou de faille du parc de production français est à écarter, même en période de pic de consommation. L’enjeu aujourd’hui porte davantage sur la capacité à développer un maillage à même d’équiper le territoire français avec des solutions de recharge viables et à même de supporter la hausse du nombre de véhicules électriques.
Sources :
Des immatriculations et parts de marché records pour les véhicules 100 % électriques en février 2023 - Avere-France (Mars 2023) Enjeux du développement de l’électromobilité pour le système électrique - RTE (Mai 2019)
Fin 2022, près de 20 véhicules légers neufs sur 100 étaient électriques ou hybrides rechargeables et plus de 80 000 points de recharge étaient ouverts au public : quelles perspectives pour 2023 ? - Avere-France (Janvier 2023)
Le véhicule électrique dans la transition écologique en France - FNH (décembre 2017)