I. Une réduction du bonus s'inscrivant dans une politique d'austérité, en contradiction avec les objectifs environnementaux du gouvernement

Le bonus est une initiative d'aide à la consommation, à savoir une politique de demande mise en place en 2008, à l'origine destinée aux particuliers comme aux professionnels. Extrêmement demandé, il a coûté en 2023 plus de 1,7 milliard d'euros à l'État Français. Ainsi, les nouvelles projections de Bercy, plus pessimistes, tablent sur une croissance de 1% en 2024, contre les 1,4% prévus. Pour donner des gages de bonne conduite budgétaire, le ministre de l'économie et des finances Bruno Lemaire a procédé à une coupe budgétaire de 10 milliards d'euros, une coupe dont les projets environnementaux du gouvernement payent largement les frais, avec 2,2 milliards de ressources non allouées.

«S'agissant de la demande, je vous confirme que l'État augmentera ses investissements dans les bonus électriques, la prime à la conversion et le leasing» avait pourtant assuré le ministre de l'économie, le 24 octobre dernier.

Ainsi, le 13 février, les règles ont changé, pour les personnes physiques (les particuliers) comme morales (les entreprises, qui nous intéressent davantage).

Pour les particuliers :

  • Réduction de 1000€ du bonus pour l'achat de véhicules neufs (il passe de 5000 à 4000€).
  • Suppression du bonus sur les véhicules d'occasion (il était de 1000€).
  • Maintien du bonus de 7000€ pour les ménages les plus défavorisés, dont la part fiscale ne dépasse pas les 15 400€.

Pour les entreprises :

  • Suppression du bonus sur les véhicules particuliers
  • Le bonus demeure pour l'achat de VUL neufs, mais il passe de 4000 à 3000€.

Le bonus cherche à favoriser les modèles européens, voire français, tout en évitant de se faire accuser de protectionnisme par la Commission Européenne. Ainsi, le gouvernement cible les véhicules les moins polluants, que ce soit par leurs émissions, la production de leur batterie, mais aussi leur acheminement, éliminant de facto certains véhicules chinois, ou produits en Chine, tels que la Dacia Spring.

Retrouvez ici la liste complète des véhicules éligibles au bonus écologique.

Cette priorisation des VUL n'est peut-être pas totalement due au hasard : on pouvait lire, dans un article des Échos publié en février, que ceux-ci constituaient le dernier bastion d'une industrie automobile française en voie de déclassement ou de délocalisation. Vision pessimiste s'il en est, qui expliquerait néanmoins ce refus de la part du gouvernement de sacrifier totalement une branche VUL en expansion dans l'hexagone.

Le bonus électrique a évolué, pour passer à une version plus restrictive, dû à une politique conjoncturelle restrictive. De là, se demander, si le bonus a bien eu des effets, et quels impacts peuvent avoir sa diminution et sa suppression.

II. L'abandon partiel du bonus écologique, une politique raisonnable ?

Tout d'abord, on peut se demander si s'attaquer à une telle mesure, assez populaire chez les Français (près de 46% étaient conscients de l'opportunité du bonus écologique), n'est pas une faute politique en soi. Le bonus était un vrai levier de mise à portée de main, chez les plus modestes, d'une transition vers l'électrique, là où les véhicules les plus polluants étaient souvent les véhicules d'entrée de gamme (voir le TCO Scope 2023).

Mais la France, en comparaison de ses voisins européens, ne fait pas figure d'exception. En effet, l'Allemagne décide en décembre 2023 de supprimer le bonus environnemental pour l'achat d'un véhicule électrique. Berlin subventionnait, depuis 2016, l'acquisition de véhicules propres, à hauteur de 4 500 €, à laquelle s'ajoutait une prime versée par les constructeurs. Rien qu'en 2023, cette opération avait subventionné l'achat d'un demi-million de véhicules. Du fait de la suppression de cette aide, les constructeurs allemands s'attendent à un fort recul, de près de 40%, du marché des voitures électriques. L'Allemagne s'était pourtant fixée des objectifs ambitieux, de 15 millions de véhicules électriques sur les routes en 2030 (ils constituent 2,7% du parc aujourd'hui). De même, la Norvège ou encore la Suisse ont, pour des raisons budgétaires, supprimé leur bonus écologique. Ces pays soucieux de leurs dépenses publiques ont une dette de 59% du PIB pour l'Allemagne, un excédent de 23% du PIB pour la Norvège et une dette montant à 25% du PIB pour la Suisse. Pour rappel, la dette française culmine à 111% du PIB, ce qui laisse entrevoir une gestion différente des finances publiques.

Malgré tout, d'autres pays européens, comme l'Italie, développent le bonus écologique, destiné à stimuler la production du pays. Avec une grille de bonus progressif selon le revenu fiscal, compris entre 7000 et 13 450€, le gouvernement de Georgia Melloni accorde une aide pour l'achats de véhicules à faibles émissions, dont le prix ne dépasse pas les 35 000€ (la seule voiture électrique produite en Italie est la Fiat e-500, à 30 400€ minimum). L'Espagne met en place le Plan Moves, qui permet aux acheteurs de bénéficier d'un bonus allant jusqu'à 7000€ pour un véhicule 100%  électrique, ne dépassant pas les 45 000€.

Force est de constater un manque criant de coordination au niveau européen. Aussi, si nous avons comparé la politique du bonus écologique de la France à celle de ses voisins, on peut comparer la politique de l'UE à celle des États-Unis, plus que jamais engagés dans la course à la l'électrique depuis l'IRA (Inflation Reduction Act). Le bonus écologique, de $7 500, favorise les marques américaines, en se cantonnant aux voitures dont les composants ne proviennent pas "d'entités étrangères préoccupantes", à savoir la Russie, la Chine, l'Iran et la Corée du Nord.

Ce manque de coordination pourrait coûter cher à l'industrie automobile européenne. Si les États-Unis paraissent bien conscients de l'enjeu posé par les véhicules électriques, les constructeurs chinois mènent quant à eux une campagne pour se faire accepter sur le marché européen, avec ou sans l'aide du bonus, en jouant sur des coûts de main d'œuvre réduits, et des économies d'échelle permises par un marché domestique immense. Aussi, la suppression du bonus pourrait mener, selon Carlos Tavares, le patron de Stellantis, à une guerre des prix, entre les voitures européennes et les voitures construites en Chine, qui étaient jusqu'ici pénalisées par leur éco-score.

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